Oh là là là. J’ai pas aimé.
D’ailleurs la photo a été prise avant que je le lise, ce bouquin, haha.
Aujourd'hui on cause Une bête au Paradis, Cécile Coulon, l'Iconoclaste.
Ça tient vraiment pas au style, qui était okay, quelques coups de ciseaux très précis sur les choses et les objets. Des phrases percutantes qui arrêtent la lecture pour les apprécier, même.
« Au centre de la cour, un arbre centenaire, aux branches assez hautes pour y pendre un homme »
Pas mal fait, plutôt bien ficelé avec un point d’orgue qui se veut surprenant, bon, très bien. C’est un huit-clos malaisant pour moi, et ce, pour plein de raisons.
« Blanche et Alexandre firent l’amour pour la première fois pendant qu’on saignait le cochon dans la cour. »
Vous voyez le genre ?
On commence par le milieu où ça se déroule — et même le thème — un endroit dont on ne sortira presque jamais. Le Paradis. Là où on égorge les cochons. Ah bon. J'avais penaudement mes valeurs anti-spécistes mais les mains, vous imaginez bien que les porcs qu’on laisse saigner la tête en-bas, ça m’a pas ambiancé plus que ça. Premier élément qui m’énerve : Blanche frappe Gabriel. Pour punir sa petite fille, Emilienne tue sa poule préféré. Donc la vie de la poule, vraiment, on s’en bat les couilles quoi. La vie d’un être vivant peut être une leçon pour un enfant.
(cette photo est immense je m'en excuse wix fait rien qu'à m'embêter je jette l'éponge)
C’est à ce moment que je me suis dit : bien, je vais sûrement détester. J’suis bien conscient qu’il est nécessaire de mettre mes valeurs de côté de temps à autre, mais suffoquer trois cent pages dans un univers que j’abhorre, on va passe mentir, c’est long. Et rebelote avec les cochons qu’on peut affamer et utiliser puis abattre.
Ensuite, ah là là, les personnages. La mélancolie tirée sur Gabriel est une des rares chose qui m’a plue dans ce roman fermé, brûlé par l’ignorance des personnages. Parce que c’est ça, Blanche est d’une naïveté incroyable. Adolescente déjà, elle sacrifie sa relation sur le postulat de.. de quoi au juste ? Et quand Alexandre revient, le merveilleux, le beau parleur — ah, qu’est-ce qu’elle insiste sur ça — qu'a-t-elle à lui offrir ? Comment a-t-elle grandi au juste, évolué ? Qu’a-t-elle vécu ? Une ferme qui est si lourde à porter, si dure, pas de vacances, juste une longue tâche pénible dont on n’en voit jamais le bout, une succession de bouches à nourrir puis à emmener mourir, et puis la traite, et puis la basse-cours, et puis les jours de marché.
« Elle émit un rire bref, nerveux. Alexandre la caressa doucement comme on fait pour calmer les ânesses quand elles mettent bas. »
Tout me dérange dans cette phrase, une première fois amoureuse comparé à une mise bas d’un animal domestique, la femelle qu’on doit calmer. Calmer. Alexandre qui la caresse comme si alors qu’il n’est pas un paysan, il ne sait rien des ânes ni qu’une caresse pour flatter une douleur n’est qu’un pansement sur une hémorragie. Puis après, « ça fait si mal que ça ? » la douleur de la femme qui rend dubitatif, ah bon, comme si elle enlevait quelque chose à une sorte de performance.
Le malaise.
Retour à Blanche comme une bête « comme un chien flaire l’orage des heures avant que la foudre ne tombe. ». Je sais bien que c’est dans le titre, Blanche comme une bête. Mais à la vérité Blanche n’a rien d’une bête, elle est malade et folle. Je suis passé si loin, mais alors si loin du but escompté je pense que ça en est à peine croyable.
Les personnages sont tous misérables, touchés d’un vice comme une tâche indélébile. Comment aimer une grand-mère qui tue pour apprendre, recueille sans affection, laisse dehors. Comment aimer une naive dure comme la pierre puis idiotement enchantée ? Les qualités des personnages (au sens premier son assénés au présent gnomique — de vérité générale — en coups de massue. Parfois ça marche : « Gabriel était tout entier dévoré par la mélancolie des enfants fracassés » parfois… parfois non. Je ne comprends pas ce livre peut-être mais je n’y trouve rien de grandiose, du remâché et de misérable. C’est ça, beaucoup, beaucoup de misérable qui s’étire et, malgré quelques pépites de langage qui j’espère me suivront un peu, un quotidien crasse qui finit par écoeurer, dégoûter. Je l’ai trainé longtemps ce roman, j’avais du mal à le finir, pas envie de le reprendre. Les personnages sont coincés là-bas, ils aiment quelque chose qui les lacère depuis l’intérieur, ils tiennent si fort à ce Paradis si sale… j’comprends pas, vraiment, je comprends pas. Et la fin me semble absurde mais attendue — comme quoi c’est possible.
« Il passait sa vie à fouiller dans le regard des autres, dans leurs gestes, les méandres de leur âme, pour s’y faufiler gentiment, sans violence, avec cette aisance extraordinaire bien qu’agaçante et cruelle. »
Mais bon, j’étais contente de tomber sur livre qui ne m’a pas plu du tout — alors que j’ai vu de très bonnes critiques — parce que ça faisait longtemps que j’étais pas tombée sur une qualité littéraire cool VS un fond qui me rebute.
« Depuis Alexandre, la moindre caresse ouvrait en elle un puits sans fond, le moindre tremblement, même amical, même bienveillant, réveillait des cauchemars d’abandon. »
Ça participe à modeler mes goûts et mes exigences mais vraiment, la femme distance vue comme une bête dans sa folie, humiliée et naive, qui devient folle à cause de l’homme dans une ferme, très peu pour moi. On m’a dit un jour — et j’ai trouvé ça très juste — qu’on surestime notre impact dans la vie des gens et que, la plupart du temps, on n’est pas responsable d’eux — forcément si c’est vot’ môme hein, prenez-en soin — et que les gens se remettent mieux de nous que ce qu’on croit. Qui est la personne malade entre Blanche qui fonde ses espoirs, ses ambitions et dix ans de solitude sur un amour de lycée ? D’un gars qui n’a pas menti et qu’elle rejette sur le postulat qu’il veut pas rester dès ses dix-sept ans pour toujours et à jamais à la ferme ? Mais de quoi on parle, là.
Bon, j’ai quand même une petite pointe de tendresse pour Gabriel, Aurore, les arbres pendus et « chacun ses secrets. Chacun ses gestes. Et chacun sa peur de n’être que de passage (…) chacun ses nuits de colère, chacun ses réveils à l’aube. »
Mais ça n’essuie pas la violence des propos parfois, genre à un moment, ça dit « où les souvenirs de Blanche se couchaient tels des chiens qu’on affame pour qu’ils cessent d’aboyer » et moi j’me dis mais pitié arrêtez avec ces pauvres bêtes, véhiculer des idées comme ça, en faire des images aussi atroces, sortez moi de là.
Bref, j’ai terminé de râler, et j’vous laisse avec un moment mignon :
« et moi qui ne dis rien, car c’est ici que le monde s’arrête et que le bonheur commence. »
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