Il y a un livre, ça fait un moment que je dois vous en parler. Il m’est tellement précieux qu’à chaque fois que j’écrivais quelque chose dessus j’me disais non, non c’est pas ça, c’est pas exactement ça.
Alors tant pis, vous voyez, ça ne sera pas exactement ça, mais ça donnera une bulle de vérité quand même.
Voici Secrets for the mad de Dodie. C’est chez Ebury Press, Penguin Random Press, UK, en anglais uniquement. Vous recevez un hard back cousu au dos de fils bleus et blancs, tout est soigné, pensé, joli. Un mélange de photos, de souvenirs, de textes, de paroles de chansons, de dessins. Tout ça venant de la youtubeuse Dodie Clark, devenue artiste chanteuse, en tournée désormais aux US et peut être en europe, je ne sais plus. On part d’une adolescente qui faisait des covers au clavier à un album avec des airs mélancoliques au ukulele.
Une plongée intense dans un univers rien qu’à elle et pourtant tellement universel. Des réflexions sur les relations toxiques, l’anorexie, les départs, les jours de pluie. L’acné, les troubles obsessionnels, stalker sur snap, l’acné encore, les grands-parents, les appels à six heures du mat, à trois, au beau milieu de la nuit, les thés qui réparent, les potes qui brisent, grandir, partir, mourir.
« Don’t tell me my eating disorder is for ‘vanity’ when I am surrounded by a world that is shouting at me to BE SMALLER. »
Les voyages, la dépersonnalisation.
« Alive, but not alive.
Content, but not content.
The stars watch her sigh on her balcony. »
C’est un long parcours pour essayer de se comprendre, ponctué de douceurs colorés. Des incohérences, elle se contredit sur dix pages : je croyais être ça mais en fait non, peut-être pas, parfois je ne sais pas.
C’est lire un livre et se sentir moins seule, moins coupable, mieux dans mes baskets d’être perdue tout le temps mais pas noyée. Vous pouvez faire un tour sur sa chaine ou simplement écouter son album, ça oscille entre délicatesse, mélancolie, summer songs et mots gorgés de soleil et de potes. J’y tiens énormément.
Je suis assise dans l’aéroport en attendant mon vol retour qui me fait quitter l’Espagne, la personne avec qui j’ai vécu trois ans, mon chez moi constitué d’une seule personne transporté à 20h de route. J’pleure toute seule en tâchant le livre, bien consciente de rentrer dans un chez-moi anxiogène que je n’aime pas. Que j’ai choisi toute seule comme une grande et qu’il est temps d’assumer.
C’était y’a genre un an et demi, je lisais ce bouquin en me disant tu vois, les autres aussi ils sont humains, ils galèrent des fois et ils trouvent la sortie. Je suis à nouveau en train de déménager, toujours le même livre sur les genoux à me dire t’en fais pas va, t’as déjà trouvé la sortie une fois, tu devrais t’en sortir à nouveau.
« I can’t even cry. It’s so deep rooted I can’t find a way to bring it to the surface, and so it just sits inside. »
Il y a quelques mots d’autres gens, des proches, des potes, des collègues de tournée. Comment ces gens font pour mettre des mots aussi pertinents sur des choses du quotidien ?
« Dodie plays 6/10, a song about insecurity — recognisably hers from school. But I also notice that it’s not just confessional; she isn’t just telling a story. Take this line : ‘Oh, I’ll justcall a taxi/I’ve gotta be up tomorrow early again.’
It feels like such an obvious thing for anyone to say at the end of a shitty evening. Notice that it’s an excuse to leave. It’s a feeble, empty saying, one we recognise as hiding any number of agonies. (…) the feeling that the night has gone on for too long. »
Si vous connaissez quelqu’un qui lit l’anglais, offrez-le. Vous mettrez dans leur main des mots honnêtes, rien de fiction tout de magique. L’objet en lui même est à aimer, le texte est à relire les jours de misère.
Coeur.
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