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  • Gaelleis

La dernière déclaration d'amour



Une plume ciselée comme de la dentelle, un fond aussi creux qu’une bulle d’air.

La dentelle qui claque au vent est certes très belle, mais qu’est-ce que j’en retiens ? Le poète tisse des mots entre les choses, des liens au milieu de l’indicible. J’ai mis sur le blog toutes les citations qui m’avaient particulièrement marquée et des exemples de ce langage incroyablement maîtrisé au service de… et bien de pas grand chose, selon mon ressenti. J’ai ramé à le lire, il était beau, aussi beau que ces photos que l’on regarde en se disant « c’est joli. »

Les photos que j’aime, moi, c’est les raz-de-marée qu’on regarde vite fait du coin de l’oeil pour ne pas prendre l’eau, m’voyez ?


« comment sais-tu que tu es amoureux d’une fille qui existe dans le monde réel, et non de l’idée que tu te fais de cette fille ? »


C’est vrai, ça, comment tu sais ? Alors que sa belle semble plus ou moins incarnée (une vie, des amis, un job, des hobbies, des parents) le narrateur me semble monté de toutes pièces, personne de papier amoureux de l’amour.


« Je ne dirai rien de ma famille. Elle tient du détail, comme les ténèbres qui séparent les étoiles. Ce ne sont pas des individus, mais un espace autour de quelque chose qui reflète les lueurs de ce qui n’est plus. »


C’est excellent ça, n’est-ce pas ? Alors comment ai-je pu autant m’ennuyer dans ce roman aux pages désertes ? Elucubrations d’un grand adolescent qui préfère laisser le temps couler sur lui sans prise sur le réel.


« Dehors, c’était le noir complet. Comme si Kristin avait emprunté le spectre entier des couleurs pour fabriquer le rêve qu’elle était en train de faire. »


Autre chose qui m’a chagrinée : la vision de l’amour. Il ressemble à une chose délicate, uniquement faite pour régner sur la vie du narrateur qui n’a rien d’autre. Il aime parce que c’est beau, parce que c’est de grandes envolées vers les étoiles et de grandes retombées charnelles.

En refermant le livre, je m’aperçois que je suis passée à côté des raisons de cet amour. Je ne saurai pas, et ne saurai jamais pourquoi il l’a aimée. Sa beauté oui, très bien, et sa poésie parfois. Pour le reste on ne sait pas vraiment, on nous tient éloignés des personnages par des jolis mots bien trouvés.


« J’en ai plein d’autres, des briques. De quoi construire une tour jusqu’au ciel, où tu ne pourras jamais plus m’embrasser. »


Je n’ai pas grand chose à ajouter.

Ah, si. J’ai sûrement pas la culture qu’il faut sur (et autour) de David Oddsson mais putain c’que ça m’a horripilé, ces références à chaque page à ce gars de la banque centrale. J’suis même allée mater l’internet pour essayer de comprendre mais ça me semblait être random.

Comme Trausti qui n’a cessé de paraître de plus en plus irréel, pur fantasme du narrateur. Je cherchais mon empathie dans les pages pour n’y trouver que du vent, une jolie dentelle claquant dans l’air avide du matin. Et pourtant, en lisant, je devais faire des pauses sur certains passages qui étaient au dessus du lot :

« Je baissai les yeux, m’enfuis dans la cuisine et ouvris tiroir après tiroir, tous trop petits pour m’y cacher. »

En sachant que c’est un gars qui s’éclipse d’une soirée entre amis, subitement chassé par son propre malaise, c’est plutôt drôle. Et intelligent.

« L’immeuble a peut-être été le travail de fin d’études d’un architecte à l’Université du chagrin. »

Enfin voilà, quoi. Des trouvailles excellente, une richesse de vocabulaire mais surtout d’images — métaphores, comparaisons, etc — qui surrélèvent le texte stylistiquement parlant. Et puis on creuse un peu, et je ne trouve qu’un fond fin, qui ne résonne pas en moi. Je l’ai pourtant lu sur plusieurs semaines (!!!) ce qui ne m’arrive absolument jamais (un livre représentant habituellement trois ou quatre jours de lecture, maximum). Je m’ennuie, je m’extasie devant une suite de mot parfaite puis je m’ennuie à nouveau.


« Grand-mère sembla pensive, concentrée, tandis qu’elle alignait des morceaux de mémoire en un tout cohérent. »


J’vous jure, le narrateur semble coincé sans avenir. Il lâche ses études, ne parle pas de sa famille, n’a pas de projets particuliers, n’a qu’un seul ami qui finit par partir. J’avais envie de lui dire : mais enfin, on va où comme ça ?!

Nulle part. Spoiler.


« Cela faisait maintenant tout-le-temps-qu’il-faut-à-deux-êtres-pour-apprendre-le-corps-l’un-de-l’autre que nous étions ensemble. »

C’est fou ça, comme phrase, c’est fou. La traduction est absolument excellente d’ailleurs ! (Mais comment la maquette elle est cheloue, y’a des folios en fin de chapitre.)


« Retirant mes lunettes pour les essuyer, et avoir entre les mains autre chose que mon embarras »


Est-ce qu’une langue aussi précise qu’un point de couture compliqué suffit à masquer le motif de fond inexistant ? Peut-être que je suis totalement passée à côté, peut-être. C’est possible et ça arrive, mais c’est dommage quand même.


« J’envoyai une équipe de secours à la recherche de mots à dire, mais elle ne trouva qu’un lourd silence. »


Je vais désormais suivre les publications de l’auteur de près. J’ose espérer que la suite me plaira — je vais du moins me pencher sur son travail en poésie, puisqu’il possède le talent incroyable de mettre des mots décalés sur des choses très vraies.

Bien sûr, j’ai conscience de râler sur un texte de bonne qualité. Ça reste bon, ça reste un livre qu’on peut recommander sans trop se planter. Mais j’sais pas, le ventre mou m’a perdue avant même la moitié.

Bref.


« Arrêtons de nous rappeler les événements tragiques, ce qui est allé de travers. Vivre, ce n’est pas réviser pour un examen en Enfer. »

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