Bon. On va être sincère : haha, comment j’ai pas aimé ! Parfois nos goûts sont compliqués à expliquer, l’histoire ou la manière d’écrire n’ont pas eu l’effet escompté, parfois comme ici, dès les premières pages je sais que je ne vais pas accrocher. Pas assez d’universalité, une auto fiction basée sur un moi que je ne comprends pas et ne saisit pas, je ne veux pas me fondre dans le personnage qui me rebute, ni dans Marie, ni dans le Tokyo qu’il décrit. Pour autant, je ne peux pas dire qu’il est mauvais ou raté, il m’est juste étranger et le reste jusqu’au bout - mais je n’ai fait aucun effort, vilaine vilaine moi. Il m’avait été donné à lire en cours, aussi, donc bon, ça n’aide pas d’être forcé mais il arrive tout de même qu’on puisse avoir des bonnes surprises.
Certaines phrases me gardent une ou deux secondes de plus que les autres, mais la désinvolture me gêne, toujours. Je n’arrive pas à trouver de généralité dans ses propos, le narrateur reste lui même et Marie aussi. Je ne suis personne, je reste moi face à mon livre.
Il m’arrive cependant de trouver autre chose lors d’une analyse, des détails qui m’avaient échappés et une résonance qui s’agrandit mais, malgré des dissertations et des oraux, je ne crois plus en rien, ni leur chambre d’hôtel, ni les yeux bandés de Marie, ni l’acide dans le musée. C’est une fin de relation on le sent ; difficile de dire non au corps qu’on a déjà connu, embrassé, enlacé mais difficile de dire oui quand on est rompus, quand on n’a plus envie. Pourtant l’auteur tire sur la corde du passé et de l’avant ; on dira que je suis insensible (ptet bien que c’est vrai) mais certains passages ne sont pas tournés vers ce que la relation était mais sur lui, toujours sur lui (on dirait sérieusement que le narrateur se kiffe bien, et qu’il n’aime Marie que par l’image qu’elle lui renvoie de lui.)
« Sept ans plus tôt, elle m’avait expliqué qu’elle n’avait jamais ressenti un tel sentiment avec personne, une telle émotion, une telle vague de douce et chaude mélancolie qui l’avait envahie en me voyant faire ce geste si simple, si apparemment anodin, de rapprocher très lentement mon verre à pied du sien pendant le repas, très prudemment, et de façon tout à fait incongrue en même temps pour deux personnes qui ne se connaissaient pas encore très bien, qui ne s’étaient rencontrées qu’une seule fois auparavant, de rapprocher mon verre à pied du sien pour aller caresser le galbe de son verre, l’incliner pour le heurter délicatement dans un simulacre de trinquer sitôt entamé qu’interrompu, il était impossible d’être à la fois plus entreprenant, plus délicat et plus explicite, m’avait-elle expliqué, un concentré d’intelligence, de douceur et de style. »
Il est déformé à travers son prisme à elle et, forcément, il est flatté.
Marie travaille dans la mode, elle fait des robes extraordinaires dont elle finit par se parer dans la ville qui se recouvre de neige, scène subitement triviale à base de chaussettes mouillées - ça pourrait être touchant mais ça ne frôle jamais la délicatesse. L’auteur brise l’élan en fin de chapitre (si vous l’avez lu, vous-mêmes vous savez) et moi, ça me sort du roman, ces histoires de doigt dans des trous du cul.
Il aime Marie parce qu’elle est belle et qu’on la regarde, blonde émotive et hypersensible qui s’accroche à lui quand il la tient seulement à bout de bras ; un peu, pas trop près, pas trop loin non plus. J’ai détesté ce narrateur narcissique qui m’a fait râler à autre voix à grands coups de « mais t’es sérieux mec ?! »
« J’avais fait remplir un flacon d’acide chlorhydrique, et je le gardais sur moi en permanence, avec l’idée de le jeter un jour à la gueule de quelqu’un. Il me suffirait d’ouvrir le flacon, un flacon de verre coloré qui avait contenu auparavant de l’eau oxygénée, de viser les yeux et de m’enfuir. Je me sentais curieusement apaisé depuis que je m’étais procuré ce flacon de liquide ambré et corrosif, qui pimentait mes heures et acérait mes pensées. Mais Marie se demandait, avec une inquiétude peut-être justifiée, si ce n’était pas dans mes yeux à moi, dans mon propre regard, que cet acide finirait. Ou dans sa gueule à elle, dans son visage en pleurs depuis tant de semaines. Non, je ne crois pas, lui disais-je avec un gentil sourire de dénégation. Non, je ne crois pas, Marie, et, de la main, sans la quitter des yeux, je caressais doucement le galbe du flacon dans la poche de ma veste. »
Il lui dit que sérieusement, il ne croit pas qu’il va lui cramer le visage ? Genre il est pas sûr ?
Il pense - peut être - que ça lui donne un effet dangereux du style « héhé, y’a moi dans l’ombre avec mon petit flacon » alors qu’au final, à mes yeux, ça l’a juste rendu ridicule. Surtout au Japon. Mais bon ; ma prof en étant passionnée, il était question pour elle de fluidité et de rythme, d’un amour qu’on perd et de la trace gluante qu’il laisse derrière lui. Pas entièrement tristesse mais pas non plus colère.
« Même si nous continuions à nous faire plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable. »
Moi au final, ça ne m’a pas touché, mais vous y trouverez peut être votre compte en intensité, pleurs et déchirements.
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